Interview de Lisa Bertrand, coordinatrice de la formation : BTS Gestion et Protection de la nature
Quel regard portez-vous sur ces quatre années ?
« Il est positif au regard du pari fait au départ. On est en effet partis du constat que c’est une filière qui attire beaucoup de jeunes intéressés par les métiers de la nature, mais qui manquent d’expérience et de réalisme par rapport aux contraintes. Ce sont des métiers souvent fantasmés, il ne s’agit pas de se promener dans la nature pour observer des oiseaux… À Hyères, ce BTS n’existait pas en apprentissage et nous nous sommes dit que le proposer sous cette forme, allait permettre de résoudre en partie ce problème. C’est-à-dire que les jeunes auraient deux ans pour murir leur projet
professionnel sur le terrain, se frotter à la réalité, prendre conscience des problématiques au contact de leur employeur, des acteurs de la filière et de leurs enseignants, se spécialiser grâce aux missions effectuées chez l’employeur et arriver sur le marché du travail avec deux ans d’expérience, donc avec des atouts une fois diplômés.
Car l’avantage de l’apprentissage par rapport à des stages dans plusieurs structures avec une approche un peu superficielle, c’est que là, ils peuvent développer de l’autonomie sur une mission de longue durée. »
Concrètement, les résultats sont-ils au rendez-vous ?
« Effectivement, ça marche ! On a eu 92% de réussite sur la première promo 2020-2022. Dix jeunes sur treize ont trouvé un emploi dans la filière. Ils sont par exemple : technicien forestier à l’ONF, ils travaillent sur la gestion de forêts privées, dans un bureau d’études sur le milieu marin, etc. C’est un résultat très largement au-dessus de la moyenne
nationale. L’insertion professionnelle, c’est vraiment le point positif !
Et ça a continué ensuite, avec un peu moins d’embauches, mais une hausse du nombre d’élèves qui décident de poursuivre leurs études au niveau supérieur. Le nombre est légèrement redescendu pour la promotion 2023-2025, toujours en cours en raison de deux nouveaux BTS GPN en apprentissage à Montpellier et à Marseille. Ce qui montre
que l’on a été moteurs - nous étions les premiers des Alpes aux Pyrénées - la création de notre formation a eu un impact et c’est aussi une satisfaction. »
Quelles évolutions concernant les effectifs ?
« Sur Parcours SUP, on est à 200 voire 300 demandes chaque année. La formation est reconnue grâce à la première promo qui a été excellente. Le bouche à oreilles a fonctionné : ce sont les apprentis eux-mêmes qui ont fait la réputation du BTS, notamment sur les réseaux sociaux. On a vingt places par an et ce qui détermine le nombre d’élèves, c’est le nombre d’employeurs. Avec l’ouverture de nouvelles formations dans la région, on a forcément moins de contrats pour nos seuls élèves.
D’autre part, quand les jeunes ont une promesse d’embauche à l’issue de leur contrat d’apprentissage, ou qu’ils continuent en licence dans la même structure, le poste est pourvu, donc c’est un employeur
en moins pour les élèves qui suivent.
Mais c’est l’objectif ! La réussite c’est l’emploi et l’on s’en réjouit bien sûr. La rançon du succès c’est qu’il faut en permanence rechercher et trouver de nouveaux employeurs. »
« La vocation de transmettre »
« On a d’un côté les employeurs qui s’engagent parce qu’ils ont un poste à pourvoir et ils embauchent un jeune pour le former à ce poste. Mais on a aussi des employeurs qui sont dans la vocation de transmettre. Ils oeuvrent pour la filière, pour améliorer les niveaux de compétence, ils apprennent un métier à un jeune, même s’ils n’embauchent pas derrière. C’est très positif aussi parce qu’ils transmettent un savoir.
Dans la filière paysage, c’est-à-dire les espaces verts, il y a un besoin de main d’oeuvre important à court ou moyen terme, l’apprenti est là pour compléter l’équipe.
Dans la filière nature, c’est-à-dire la gestion des espaces naturels, les collectivités, parcs nationaux… C’est différent. Il peut bien sûr y avoir un besoin de poste identifié avec proposition d’embauche à l’issue du
contrat si tout se passe bien, mais il n’y a pas la notion de rentabilité comme dans la filière paysage ; il n’y a pas la pression financière, les apprentis viennent en renfort, en appui. Ou bien, comme je le disais
précédemment, les gestionnaires d’espaces naturels recrutent avec la volonté de participer à la formation, de transmettre.
Est-ce que le paysage a changé, côté employeurs ?
« Oui chaque année est différente. Avec de plus en plus de collectivités territoriales qui prennent des apprentis. Parce que depuis 2021 les employeurs publics peuvent également bénéficier d’aides à l’embauche d’appentis, ce qui était au début réservé au seul secteur privé. Donc c’est une incitation qui fonctionne et on retrouve nos
apprentis dans les services biodiversité, développement durable, littoral ou forêt des collectivités. Ce que l’on observe également c’est que l’on rayonne plus loin géographiquement qu’au lancement de la
formation. Au début, les employeurs étaient essen,ellement localisés
dans le Var, puis on s’est étendu en Paca (mairie de Nîmes, ONF de Montpellier, une entreprise de travaux dans le Vaucluse…). Aujourd’hui, on va jusqu’en Occitanie. On a même un apprenti en Seine et Marne. Ce qui s’explique par le fait que nous avons des jeunes qui viennent parfois de loin, qui séjournent en internat ou en
colocation, et qui cherchent un employeur près de chez eux. Les semaines complètes en alternance le permettent.
Le cursus a-t-il subi des ajustements ?
« On a ajusté des éléments au fil du temps. On discute chaque année avec les employeurs et on leur demande leur avis sur l’orientation de la formation et comment mieux répondre aux enjeux de territoire.
Le programme est national, mais nos travaux pratiques, les études de cas, se font sur le territoire. Donc on a un travail à faire pour adapter ces travaux pratiques à la réalité du terrain et aux besoins des acteurs locaux. À Hyères c’est facile! On est dans le département le plus riche de métropole en termes de biodiversité en raison d’une incroyable
diversité d’écosystèmes et une richesse géologique exceptionnelle. Depuis le centre de formation, on peut étudier la mer, le littoral, la rivière, la forêt, les milieux agricoles, insulaires, et la montagne à peu de distance... C’est un terrain d’études idéal !
Ici, les apprentis ont la possibilité d’étudier une multitude de milieux différents, de rencontrer une multitude d’acteurs et de problématiques. Un ensemble d’acquis qui peuvent coller avec le lieu d’origine des candidats et à de multiples problématiques.
« C’est un défi, mais on le relève ! »
« Autre évolution au sein du cursus pour s’adapter aux enjeux de territoire : la création avec le Parc national de Port-Cros de situations d’évaluation que nous avons construites avec les professionnels.
Exemple : quand des entreprises interviennent dans des milieux protégés, on fait des audits de chantier pour contrôler que l’entreprise applique les mesures de protection des milieux, des espèces. Cette épreuve d’audit on l’a créée avec un bureau d’études qui nous a expliqué qu’aujourd’hui c’est une compétence très demandée et donc importante à acquérir. Ils nous ont dit : « On a besoin que les diplômés sachent faire ça ». Les élèves apprennent donc à faire ces audits selon les préconisations du bureau d’études.
Autre exemple : la formation comprend un module d’animation nature, et on a décidé avec le Parc national de Port-Cros, d’utiliser la technique d’interprétation du patrimoine qui a pour objectif d‘améliorer l’expérience des visiteurs, notamment en leur faisant découvrir l’esprit des lieux… C’est une ouverture sur tous les patrimoines naturels mais aussi historiques et c’est spécifique à notre centre de formation. Cette nouvelle orientation vise à répondre aux
besoins des employeurs du territoire et à l’évolution des compétences actuelles. Et on le fait pour tous les modules : expertise naturaliste, chantiers de génie écologique, médiation scientifique, gestion de projet et concertation territoriale.
Chaque année, je vais rencontrer des professionnels pour adapter la formation à leurs attentes quand je constate qu’il y a un décalage. Je l’ai d’ailleurs refait cette année parce que le BTS est rénové à la rentrée de 2024 par le ministère de l’Agriculture. Le niveau monte pour mieux préparer à la licence professionnelle. Il y a davantage de gestion de projet, le technicien devient un acteur à part entière dans la conduite de projets de valorisation ou de gestion de sites ou de
territoires. Il y a moins d’exécutant. L’exigence augmente sur l’autonomie et l’analyse. Les emmener en vingt semaines par an à un niveau plus haut, c’est un défi ! Mais on le relève ! Durant l’apprentissage, ils auront la possibilité de suivre un projet de bout en bout. Ce ne sont pas des chefs de projet, mais ce sont des couteaux suisses ! Ils sont à l’interface entre le terrain, les élus, les agriculteurs, les touristes, les gestionnaires de sites, etc. Ils sont en contact avec tous les acteurs, mais plus ils montent, moins ils sont sur le terrain. »
Est-ce que profil des candidats a changé ?
« Non, il est toujours aussi diversifié. Ce que l’on veut c’est qu’ils aient une vraie motivation, c’est ce qui compte le plus.»
La formation va-t-elle encore évoluer ?
« Oui. À la rentrée comme le BTS est rénové, ce qui change c’est que l’on a décidé de fonctionner comme un diplôme universitaire avec des crédits et une reconnaissance au niveau européen et donc à l’international. La rénovation permet de pouvoir, comme à l’université, proposer un cursus organisé par semestre sur deux ans avec un système de validation de crédits, il n’y a plus d’épreuve finale.
L’avantage : les épreuves sont organisées au fil de la formation et toutes en situation réelle de travail avec une vraie commande des partenaires professionnels qui peuvent participer à l’évaluation, plutôt que des examens en salle évalués uniquement par les enseignants.
Le BTS étant dès lors reconnu au niveau international, les diplômés vont pouvoir postuler sur des offres à l’étranger, ça ouvre le champ des débouchés, on peut même poursuivre son cursus en licence dans un autre pays. Et cela nous donne aussi la possibilité, de notre côté,d’accueillir des élèves venant d’autres pays. »
Le parcours CommunIquer Guider Animer sur le Littoral et l’Environnement (CIGALE)