Partager

27 premières tortues Caouanne ont regagné la mer depuis la plage noire de l’île de Porquerolles !

Faune
Samedi 9 septembre. Il est 21h, la nuit est tombée, des petits bébés tortues percent la surface du sable. Après 56 jours d’incubation, 11 bébés tortues rejoignent la mer entre 21h et 2h du matin. 13 autres tortillons regagnent la grande bleue durant la nuit de dimanche (dont un groupe de 12) et 3 nouveaux tortillons ce matin. Depuis le 7 septembre, une dépression à la surface du sable révélait une activité à l’intérieur du nid… Il aura fallu attendre 3 jours avant de voir émerger les premiers tortillons.
Emergence de tortillons
© O. Turbelin

Le moment était très attendu depuis l’observation de traces caractéristiques sur la plage noire par l’équipe de nettoyage de l’île de Porquerolles le 16 juillet dernier. Les agents du Parc national de Port-Cros et la référente locale du Réseau Tortues Marines de Méditerranée Française (RTMMF) s’étaient rendus sur place pour confirmer la ponte. Le nid, protégé depuis sa découverte, était scruté de près par les spécialistes. Au 43ème jour d’incubation, la surveillance humaine 24/24 s’était mise en place, assurée par 87 volontaires bénévoles, pour certains des nuits entières : Parc national de Port-Cros, Conservatoire du Littoral, Département du Var, réseau RTMMF, Domaine du Rayol, Société des Sciences Naturelles et d'Archéologie de Toulon et du Var, Ligue pour la protection des oiseaux, Association Marineland, centre de plongée de Porquerolles, Réserve naturelle de la plaine des Maure, Communauté de communes du Golfe de Saint-Tropez et de nombreux résidents.

L’éclosion et la course vers la mer


A l’aide de leur dent d’éclosion, petite protubérance placée sur le haut du bec appelée aussi diamant, les petites tortues, mesurant moins de 5 cm et pesant environ 15-20 g, percent la membrane de l’oeuf : c’est le début de l’éclosion. Ensemble et dans un mouvement hélicoïdal, les tortillons progressent vers la surface, attendant la température idéale pour s’extraire du sable et réaliser leur course vers la mer.
La durée d'incubation de la ponte d'une tortue Caouanne se situe habituellement entre 40 et 80 jours (la moyenne étant de 55 jours). Celle-ci est intervenue après 56 jours d’incubation.
Il peut encore s’écouler plusieurs jours avant que l’ensemble des tortillons ne sortent du nid.
La référente locale du Réseau Tortues Marines de Méditerranée française (RTMMF) s’est rendue dimanche sur place pour gérer et superviser cette phase délicate.


11 pontes cet été : une mobilisation exceptionnelle pour un phénomène exceptionnel


Cet été, des pontes de tortues Caouanne ont été observées plage de la Bergerie à Hyères (Var) en juin, à Villeneuve-Loubet dans les Alpes-Maritimes, puis à Marseillan (Hérault), sur l’île de Porquerolles (Var), Sète (Hérault), et de nouveau dans le Var à Saint-Cyr-sur-Mer, Fréjus-Plage et sur la plage de la Capte (commune de Hyères) en juillet et enfin sur la plage de Pietracorbara puis près d’Ajaccio en Corse en août. Une émergence a également été observée début septembre en Corse, sur un autre site toujours près d’Ajaccio. Ces évènements restent rarissimes sur le littoral méditerranéen français même si cette année celui-ci a été l’objet d’un phénomène exceptionnel avec 11 pontes de tortues Caouanne identifiées sur des plages de Méditerranée continentale (8) et Corse (3). Dès lors que la ponte est localisée, l'aire de nidification est délimitée par des barrières de protection et suivie attentivement par les spécialistes.
Fort des expériences de 2016 (Saint-Aygulf), 2018 (Villeneuve-Lès-Maguelone), 2020 (Fréjus) et 2022 (Valras), le protocole de protection des nids a pu être rapidement déployé par le RTMMF et ses partenaires. Ainsi, tous les acteurs concernés se sont mobilisés efficacement pour chaque épisode de ponte : l’Office français de la biodiversité (OFB), l’Observatoire des Tortues Marines (OTM) porté par le Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN), le Réseau Tortues Marines de Méditerranée Française (RTMMF) - commission de la Société herpétologique de France (SHF), le programme européen Life TURTLENEST et selon les sites de pontes, les communes et communautés d’agglomérations concernées, les parcs nationaux (Port-Cros, Calanques), le Centre de Réhabilitation de la Faune Sauvage (Association Marineland) pour la région PACA et le Centre d’Etude et de Sauvegarde des Tortues Marines (CestMed) pour l’Occitanie et le Cétacés Association Recherche Insulaire (Cari) pour la Corse.
Un guide d’intervention, coordonné par le Ministère en charge de la Transition écologique et préparé par le MNHN, le RTMMF, l’OFB et leurs partenaires, précise clairement « qui fait quoi ».

A chaque alerte, des observateurs du Réseau RTMMF se rendent sur place dès le matin pour confirmer la présence d’oeufs dans le nid et l’espèce concernée : tortue Caouanne (Caretta caretta) dans les 11 cas. Pour chaque ponte, les énergies se mobilisent (services techniques et policiers municipaux, agents des parcs nationaux et des communautés d’agglomération) pour mettre en place des barrières matérialisant un périmètre de protection stricte du site, pour prendre des arrêtés municipaux de protection du périmètre, assurer des rondes de surveillance et mettre à disposition le matériel nécessaire pour la sécurisation du public. Des panneaux d’information et de sensibilisation sur l’évènement ont également été installés sur chacun des sites.


Mieux comprendre ce phénomène jusqu’ici rarissime


Des instruments de suivi de température sont mis en place afin de collecter des données scientifiques pendant la période d’incubation afin de mieux comprendre ce phénomène. A la fin de l’émergence, les restes du nid (coquilles vides, embryons non développés, oeufs non fécondés) seront analysés pour enrichir les connaissances sur ces épisodes de pontes peu documentés sur nos côtes.
Si les eaux de Méditerranée occidentale sont connues pour être un habitat privilégié des tortues immatures et sub-adultes, l’OTM constate depuis peu une activité de reproduction plus régulière sur le littoral méditerranéen français, tendance également observée en Italie et en Espagne depuis une dizaine d’années. Les raisons de ce phénomène récent interrogent les scientifiques : les nids déposés en Méditerranée occidentale sont-ils viables ? La température du sable est-elle suffisante ? Certaines tortues marines seraient- elles en train de coloniser de nouveaux habitats de ponte ? Est-ce dû à une hausse de la température de l’eau ? une modification des courants ou l’évolution naturelle des zones de
nidification ? Les efforts de protection réalisés depuis des dizaines d’années en Grèce et en Turquie (d’où proviennent majoritairement les tortues qui fréquentent nos côtes) jouent-ils un rôle ?


Laisser faire la nature, ne pas déranger


La règlementation française interdit toute perturbation intentionnelle (manipulation, nuisance lumineuse…) de ces espèces protégées. Aussi, il est très important de respecter certaines règles :

  • Respecter une distance de 10 mètres ;
  • Eteindre toutes les sources de lumière artificielle ;
  • Ne pas photographier les tortues avec un flash ;
  • Ne pas toucher les tortues et les oeufs.

La saison de ponte des tortues Caouanne s’étale généralement de juin à mi-août. Durant toute cette période, elles fréquentent nos plages, le plus souvent la nuit, afin d’y déposer leurs oeufs. Cette espèce a une maturité sexuelle tardive (autour de 30 ans) et se reproduit tous les 2 à 4 ans. La taille adulte varie de 90 cm à 1 mètre, pour un poids moyen de l’ordre de 135 kg.
Les tortues marines, des espèces protégées
En France, toutes les espèces de tortues marines sont protégées. Cela signifie que pour intervenir sur une tortue marine, même en difficulté, il faut être habilité, disposer d’une dérogation délivrée par les autorités compétentes dans le cadre d’un programme scientifique validé par le Conseil National pour la Protection de la Nature.
Les tortues Caouanne et les six autres espèces de tortues marines présentes dans les mers et océans du monde sont toutes inscrites sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature).

Nous remercions toutes les parties prenantes dans la surveillance et l’organisation logistique : Le RTMMF et tous ses bénévoles mais également la capitainerie de la Tour Fondue, la Police Municipale de Hyères, le mas du Langoustier, et les habitants de Porquerolles.