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Imaginer et créer : work-shop d'étudiants et contribution des habitants

Du 29 mars au 2 avril des étudiants en cirque de l'Ecole Supérieure des Arts du Cirque de Toulouse (ESACTO LIDO) et des étudiants de l’Ecole Supérieure d’Art et de Design de Toulon Provence Méditerranée (ESAD-TPM) ont mené des tavaux de recherche sur le rapport entre l'homme et la nature à l'horizon 2050. Après une semaine d’immersion et de création, ils ont préparé des œuvres et les ont exposées sur place, en plein air, sous le soleil de début avril. En paralèlle, un appel à contribution artistique avait été lancé aux habitants qui ont produit textes, sculptures et podcast.

ESACTO LIDO

Le 1er avril, sans blague ou tout en blague, six étudiants de l’ESACTO’LIDO - Pia Bautista, Benjamin Dumetier, Julien Gogioso, Maci Funghi, Leo Morala et Otti Stazio – accompagnés d’Aurélie Vincq et Benjamin De Matteis, ont déployé des numéros du haut du fort de St Agathe vers la plage et le rivage de La Courtade. Maci, dans une chrysalide de cordage, s’est déployée, encordée et recordée. Elle a touché la terre de 2050 puis elle est remontée se percher entre ciel et mer, dans une danse sensible le long d’une corde. Benjamin et Julien, acrobates, ont trouvé le trésor de 2050. Ils se disputent leur butin enfermé dans leur malette : des billets dorés de « posidonite » et disparaissent dans les remparts. Pia aérienne cherche gaiement un espace dans le fort, elle nous invite à remonter le portique et elle s’y réfugie dans un cerceau en acier, pendule d’un temps suspendu qui nous relie à 2050. Deux clowns (Léo et Otti) arrivent dans le fort, ils dégringolent les remparts et emportent des objets interdits, ressemblant à des bouteilles en plastique, qu’ils accumulent dans un container vert. Ce container dévale la piste emportant les deux clowns dans la poussière ; il les embarquera finalement sur les flots comme un radeau fuyant des « choses » qui arrivent. Les deux chercheurs de trésor (Julien et Benjamin) réapparaissent sur le rivage, pris par les flots montant. Attablés dans les vagues, ils semblent avoir été surpris ; ils rejoignent acrobatiquement la plage sans mettre un pied dans l’eau, de chaise en chaise ; la mer est-elle devenue si infréquentable ?

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ESAD TPM

Le lendemain, 2 avril, c’est au tour des étudiants de design de l’ESAD-TPM d’échanger autour de leurs œuvres plastiques. Ils sont accompagnés par l’équipe pédagogique composée de Valérie Michel-Fauré (cheffe de projet), Florence Morali, Patrick Sirot, Magalie Rastello, Patrick Lacroix.

Plage d’argent, un premier groupe d’étudiants (Alizée Fonlupt, Tinhinane Chenene, Adam McGill, Celestin Lapadatescu et Emma Radisson) propose une réflexion sur le manque d’eau sur l’île, devenue « Désert aquatique » et dénonce le gaspillage. Des robinets de récup, trouvés dans les poubelles de l’île, sont installés sur la plage, en mer et sur le sable et des canalisations les relient comme un serpent semi enterré. Robinets d’eau salée ? Robinet qui coule pour rien ?...

Un deuxième groupe (Yun Ha Kim, Emma Gleyses, Ali Ouattara, Ghaith Chergui et Jules Moreau) présente un objet révolutionnaire pour les plaisanciers afin de ne plus ancrer dans les herbiers : « underwater viewer ». Un aquascope dépliable et d’autres astuces maritimes permettront enfin d’éviter d’ancrer dans les précieuses nattes des herbiers et de regarder , de porter attention à l’écosystème sous-marin de Porquerolles et sa biodiversité.

Un troisième groupe (Léa Beltran, Océane Du Mouza, Léa Quilici, Nayoung Lee et Laura Segault) par une performance nous questionne sur l’augmentation du niveau de la mer qui est monté lors d’alignement de conditions météo ad hoc à 2.50 m. En tenue de peintre peintes de bleu à différentes hauteurs, l’équipe ainsi positionnée nous montre que la mer pourrait atteindre les marches en pierre du restaurant de la plage d’Argent.

Léandrine Damien est artiste, elle est membre du Bureau des paysages en mouvements (Bureau des paysages en mouvement, programme de recherche PaySAGE (Paysages Sciences Arts Géopoétique Ecologie) de l'ESAD-TPM). Elle a posé un nid géant à l’échelle du corps humain dans les rivages, radeau de fortune ou nid d’un large oiseau abandonné, allégorie de notre impermanence et de notre précarité sur la Terre…

Au moulin du bonheur, le troisième groupe nous présente la carte de Porquerolles d’ici à 2050. Des reliefs s’empilent montrant progressivement une île qui rétrécie et une mer qui gonfle…

Retour sur les basses terres, au jardin Emmanuel Lopez, un quatrième groupe (Camélia Halem, Antoine Lachièze, Johann Custine, Marion Joseph et Estelle Ladoux) présente un jeu de stratégie « suggar daddy » où le but est d’acquérir l’île et de faire fructifier les parcelles foncières : ils imaginent une heure où l’île sera démantelée par les financiers en butte à des évènements écologiques.

Lucas Irad et Lisa Jacomen, artistes du Bureau des paysages en mouvements, présentent une large sphère hybride, tiers plante, tiers animal et tiers humaine, à partir de tiges de palmier collectées sur l’île. Cette œuvre rappelle une boule de paille qui roule dans le désert : Porquerolles sera-t-elle désertique ?

Les deux artistes présentent ensuite, pour conclure cette journée, un tableau peint sur une devanture de lit récupérée sur l’île. Pochoir de couleurs et formes, feuilles, ombres s’enchevêtrent, mi végétales, mi humaines…

Zagros Mehrkian, artiste du Bureau des paysages en mouvements, a filmé et photographié l’ensemble des processus de création des différentes équipes, en immersion sur l’île, pendant toute la durée du workshop. Un film de restitution d’expérience sera réalisé pour rendre compte des différents projets artistiques inscrits dans une démarche prospectiviste sensible d’un lieu unique, l’île de Porquerolles.

 

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Porquerollais petits et grands, amoureux de l'île et voyageurs inspirés par son avenir...

Le PODCAST des enfants

A l'école de Porquerolles on imagine l'avenir mais avant tout, on vit le présent au coeur de la nature ...

A écouter ici: https://soundcloud.com/anaisenon/la-paroles-aux-enfants-projet-cap-2050-du-parc-national-de-port-cros

Enregitrement sonore réalisé par Lucille Dupré et Fanny Albanese, Montage et création Anaïs Enon, Mixage Tito Loria et Illustration Chloé Martinon
Coproduit  par l'APEEP - Association des Parents d'Elèves de Porquerolles
Musique : Archie Shepp

 

Alicia Juge, étudiante à l’Ecole de la Nature et du Paysage de Blois (ENP) et habituée de l’île depuis l’enfance, a choisi de traiter le changement climatique à Porquerolles pour son mémoire de fin d’études.

Participant aux divers ateliers et étapes de concertation elle a livré un très beau travail :

https://issuu.com/alicia.juge/docs/juge_alicia_memoire_issuu

https://issuu.com/alicia.juge/docs/tome_2_tfe_projet_alicia_juge

https://issuu.com/alicia.juge/docs/alicia_juge_tfe_panneaux_projet_isssuu_compressed

"Les îles sont des espaces aux paysages singuliers et aux milieux en équilibre fragile dont les éléments partagent des habitudes et des organisations collectives particulières. Sur leurs terres inextensibles et limitées, les espèces vivantes et les populations humaines sont particulièrement sensibles et à l’écoute des dynamiques naturelles et sociales actuelles comme celle du changement climatique.
Sur l’île de Porquerolles, l’appréhension et l’impact du changement climatique est particulièrement visible en raison des caractéristiques physiques de l’île : espace «clos» fini, ressources naturelles limitées entraînant une forte dépendance aux approvisionnements extérieurs du continent, sensibilité particulière aux rythmes naturels, marquant la vie quotidienne et la culture insulaire.
Finalement, comment répondre aux défis environnementaux dans leurs différentes dimensions, qui touchent aussi bien aux questions de biodiversité terrestre et marine qu’à celles de l’organisation du cadre de la vie insulaire ? Quels paysages en résulteraient et comment pouvons-nous intervenir ?
Espace privilégié de « révélation » locale des enjeux du changement climatique en mer Méditerranée, Porquerolles possède un potentiel naturel, agricole et forestier à révéler et faire évoluer dans l’objectif de s’adapter à ces changements. Ce projet de paysage propose des solutions concrètes, avec une mise en place évolutive, permettant à Porquerolles de devenir plus résiliante, face aux changements déjà à l’oeuvre et à venir."

 

 

POEME POUR PORQUEROLLES- Rafaela DUMAS

"Ô île ! Alors que l’horloge du temps sonne la moitié de ce siècle, qu’es-tu devenue ?

Tu accueillis jadis des invasions barbares, des marchands romains, des moines ermites, des pirates et des contrebandiers, des militaires, des prisonniers, des convalescents, des marins et des pêcheurs. Poètes, botanistes, voyageurs et vendeurs de rêves te disaient la perle des îles d’Or. Tu étais un grain de beauté sur la face de la Méditerranée, une île émeraude entourée de saphir que de partout en grand nombre ils venaient voir. Ils exploraient les calanques, les collines et les bois. Ils mouillaient leurs bateaux dans les criques ou bien au bord des plages. Ils s’allongeaient au soleil sur le sable doux. Ils pédalaient sur les sentiers... et même en dehors.  Jusqu’à ce qu’un jour tu dises non ! Suffit ! Entre mise en valeur marchande et prétendue préservation : fini le dilemme ! Ne dit-on pas qu’un jour les sentiers se vengent d’avoir été battus ? Ainsi, tu as secoué ta carapace, tu as laissé partir à l’eau comme de vieilles carcasses, arbres morts, constructions cocasses et même le port.

Combien d’artistes, combien de peintres, de cinéastes ou d’écrivains as-tu inspirés ? Tu étais fabrique de souvenirs et de rêves pour les familles d’antan, pour les enfants en vacances. Ils et elles consignaient leurs images dans des albums photos, leurs écrits sur des cartes postales. Puis, ce fut l’ère d’Instagram, de Facebook, des hologrammes, de la réalité augmentée et même de la réalité virtuelle... Alors pourquoi se soucier de ce que tu devenais quand il suffisait de t’inventer !

Tu aurais pu devenir citadine, nichant en ton sein de superbes villas avec piscine, de grands immeubles cossus, des hôtels et des restaurants partout, des boutiques surtout, un casino et des boites de nuits .... Tu aurais reçu des foules bruyantes et avides de découvertes et de sensations, suçant ta chair jusqu’au noyau. Un pont aurait pu te relier au continent. Finies les navettes, la noria incessante des bateaux. Des véhicules autonomes, camions chargés de nourriture et camions chargés poubelles, s’y seraient croisés jour et nuit... Te voilà maintenant devenue caillou désertique, îlot de sénescence ou aire de quiétude, avec juste une poignée de maisons accueillant quelques nomades.

Des vignes riches et généreuses ont jadis couvert tes plaines. Des vignerons zélés avaient produit des crus prestigieux faisant la richesse des domaines. Tes oliviers aimaient s’épanouir dans la chaleur de l’été. Vergers et maraîchages poussaient à merveille. De nouvelles espèces exotiques s’étaient accoutumées, fournissant pour un temps aux habitants et vacanciers, légumes en abondance et fruits sucrés. Les maladies, les parasites, les sécheresses et les bourrasques sont venus. Malmenées par les tempêtes, privées d’eau ou inondées, les cultures ont disparu. Les arbres sont morts. Le sirocco a fini par tout dessécher. Il faudra se passer de vin, de légumes et de fruits !

Tes sols arides ont bien accueilli quelques Aloe Vera, mais les charançons ont anéanti les palmiers quand les hommes auraient voulu faire de toi la nouvelle Miami. Les grands pins maritimes, pourtant si bien nommés, année après année ont pleuré leur résine le long de leurs troncs et ont fini par capituler sous l’attaque des cochenilles. Même les pins d’Alep n’ont pu résister aux tornades et aux incendies. Les cistes que visitaient de lourds bourdons et les abeilles sauvages échappées aux frelons, sont seuls à subsister mais pour combien de temps ? Lentisques, arbousiers et bruyères arborescentes, qui naguère te faisaient un lourd manteau, maintenant dénudés, lèvent vers les airs leurs griffes de sorcières. Pathétiques, les végétaux clament leur dépit et leur colère pour demander justice aux humains égoïstes.

De riches propriétaires avaient acheté les fermes de jadis et leurs terres. Les uns pour offrir aux yeux du public des œuvres d’art, les autres pour s’y cacher à l’abri regards.  Tant qu’il y eu des mécènes et des bénévoles il y eu de beaux spectacles, des fêtes, de la musique. Un lieu à part qui faisait oublier les difficultés.... Mais cela ne suffit pas à changer le monde ! 

Depuis longtemps déjà des naturalistes alarmés annonçaient le déclin des insectes comme celui des oiseaux migrateurs qu’ils voyaient inexorablement disparaitre. Ils auraient voulu faire de toi, île précieuse, le sanctuaire qui saurait protéger les espèces vulnérables et conserver un peu de biodiversité. Tu hébergeais d’ailleurs en ce temps un conservatoire botanique national ! Tu aurais pu devenir musée à ciel ouvert. Seuls y seraient venus des personnes accréditées, des visiteurs autorisés mais... entourés de gardes pour s’assurer que rien ne soit pillé ni souillé. Ces heureux élus auraient profité de moments privilégiés pour admirer la flore sauvage, les papillons, les faisans et autres espèces de végétaux et d’animaux disparus du continent dans l’entrelacs des routes, des entrepôts, des immeubles et des centres commerciaux. Mais ici comme ailleurs plus aucune trace « de mouches ou de vermisseaux ». Tu n’es plus qu’un jardin du souvenir !

Et toi la mer, qui jadis insouciante donnait à tes enfants des fruits variés et savoureux. Où sont tes bouffées d’air marin qui faisaient frémir les navigateurs ? Les senteurs iodées de la mer qui réjouissaient les promeneurs, ont disparu. Tu n’as plus pour compagnie que les vilaines reliques de l’opulence d’antan : le rebus, les plastiques, les épaves flottant parmi les méduses. Où sont dans tes baies les pointus d’autrefois ? Tu aurais pu, par l’effet de quelques prises de conscience révolutionnaires, à force de pétitions musclées et de gestes vertueux de bénévoles, retrouver tes poissons débonnaires cachés dans les posidonies, tes oursins aux beaux piquants noirs et tes humbles coquillages s’agrippant aux rochers. Tu aurais pu montrer tes belles nacres fièrement dressées au fond des baies, caressées par des courants argentés. Tu offrirais encore aux corps nus des baigneuses, pour leur sortie matinale, tes douces eaux limpides aux reflets bleu azur. Plus rien de cela ! Ni cormoran, ni puffin, ni océanite, mêmes les gabians se font rares sur tes côtes. Les tempêtes seules battant les flots s’égayent sur les récifs. Les îlots du Grand et du Petit Langoustier sont comme deux frêles esquifs.

Toi le ciel, te voilà débarrassé des trainées blanches des avions, des gaz et vapeurs d’eau masquant le bleu profond de l’azur. Fermé le bel aéroport régional judicieusement placé entre Nice et Marseille, qui faisait la fierté des élus et le cauchemar des riverains et des flamants roses. Les perturbations atmosphériques ont rendu les vols dangereux, les clients soucieux de leur sécurité et de leur argent, sont devenus trop rares. Un beau jour il fut évident que l’avion, aussi perfectionné soit-il, était un outil de perdition pour le climat et donc pour les humains.

Pendant que certains rêvaient de quitter la Terre et de coloniser Mars, il y eu bien ici quelques âmes lucides et agissantes, pour s’unir et réclamer ta grâce, ô île ! Ils ont ardemment plaidé ta cause. Pour ta protection, ils ont tenté l’union face aux multiples menaces. Ils ont élaboré des scénarios habiles, de savantes simulations, des études sophistiquées et des projets ambitieux. Comme d’irréductibles gaulois, ils ont défendu par tous les moyens leur village, leurs maisons, leurs jardins, leur forêt, leur mer, leur patrimoine, leur île enfin !  Mais arrête-t-on la marche déréglée des hommes cupides, du climat déboussolé et d’un monde rendu fou ?

Dans ce combat de Titans que les hommes ont livré à la Terre, jusqu’à sacrifier au bourreau la nature, la mer et le ciel... tout ce que l’homme pouvait prendre, transformer et trahir, il n’y eu pas de gagnant. La Terre a poussé un long soupir ! Après tant de blessures, tant de patience, comme dans un élan de survie, ses entrailles ont frémi. Séismes et raz de marée ont répondu à la folie de ces hommes. Ils ont tout emporté, comme les vagues sur la plage balayent les châteaux de sable le soir, après le départ des enfants. Espérons alors que demain d’autres enfants viendront et en construirons de nouveaux, bien plus beaux !"

Le Petit prince de Porquerolles- Sophie Lecat

 

 Il n'avait eu longtemps pour seule distraction que la douceur des couchers de soleil puis le temps de la rumeur et de la foule était venu troubler sa contemplation. Le premier jour de notre rencontre, le petit Prince me dit :

Dessine moi un avenir tout en couleur !

Je dessinais sur la toile à main levée, au trait noir la silhouette d’une île flottante aux contours vagues et au destin incertain.

Le petit Prince se pencha sur ma feuille et s’écria alors :

« Ton île n’a pas de nages et ne peut pas avancer. Rien ne la relie aux hommes. Juste elle flotte, à la dérive. ».
Le petit prince ajouta : « c’est dans le cœur des hommes que tu dois chercher la solution ».
« Quelle solution ? » murmurais-je
« Celle qui te fera avancer » ajouta le petit Prince.  
« Et si je dessinais une boussole, tu pourrais mieux te diriger ».  Le Petit Prince acquiesça dans un souffle au vent.

Chaque jour j'apprenais quelque chose de nouveau sur cet îlot menacé, sur le départ, sur la montée des eaux inexorable et sur le voyage éminent. Ça venait tout doucement, au hasard de réflexions et de rencontres avec ceux qu’on appelait alors encore «les  îliens » et quelques scientifiques de tout poil.

C'est ainsi que le septième jour de ma rencontre avec le petit Prince, je connus le drame des derniers estivants contraints au Grand dérangement de la nature. Ils furent acculés au départ après la Grande peste noire le cœur sombre et glacé, chassés du paradis avec pour tout bagage, le souvenir d’un dernier été finissant.

Notre caillou sans amarre avait emporté le reste de leurs rêves ; les derniers Survivants de la Grande marée, amers déjà pliaient bagage, emportés dans la débâcle des îles flottantes, arrachés à ce morceau de terre qui pourtant représentait tant de choses ; un tout et un monde en soi…Une île intérieure en quelque sorte.

A la fin du septième jour, le petit Prince fut très affecté de perdre son dernier compagnon de mauvaise fortune. J’embarquais sur un radeau avec les derniers Survivants. Nos adieux furent à la fois poignants et silencieux.

Pourtant seul, il finit par se réconforter auprès du dernier âne de l’île qui n’avait pas rejoint notre fragile équipage. Ensemble ils s’amusaient de tout et se prenaient à rêver à d’autres mondes, au soleil couchant…

La Structure - Jean Pierre Morvan et Nadine Fricaud.

"Nous habitons à l'année sur un voilier rouge : Lovall. Ce ketch est une réplique en aluminium du célèbre Joshua de Bernard Moitessier, un navigateur qui a marqué l'histoire maritime en effectuant une circumnavigation sans escale de 10 mois en solitaire en 1968. Son livre, La longue route, a inspiré beaucoup de marins actuels. Nous devions partir en voyage en 2020, les îles du Monde nous appellent et nous inspirent. La crise sanitaire nous a retardés dans notre projet, et nous voilà fixés à Porquerolles depuis plus d'un an...

Bien conscients d'être privilégiés dans ce petit paradis, protégés du continent. A l'annonce du deuxième confinement, début novembre 2020, nous avons décidé de ne pas nous laisser piéger par le confort douillet du bateau, de sortir tous les jours marcher dans la limite du kilomètre autorisé pour profiter de l'île déserte et de sa nature protégée. Et c'est au bout de la plage de la Courtade, pile à un kilomètre du port, là où le soleil nous chauffe de ses meilleurs rayons, où l'eau est claire et limpide, et où s'échouent de magnifiques bois flottés, que nous avons planté quatre bouts de bois dans le sable, comme beaucoup d'enfants qui jouent sur la plage.

Revenus le lendemain, nous avons continué ce qui n'était au début qu'une distraction, et, jour après jour, nous nous sommes laissés happer par ce qui est devenu "la structure . Au fil des semaines, elle a pris un véritable sens dans notre quotidien : Nous l'avons étoffée, renforcée, car il fallait qu'elle résiste aux assauts de la Mer et du Vent. Nous avons grâce à elle rencontré des gens qui passaient par là, et même d'autres qui venaient exprès voir la structure, qu'ils ont aussi appelé l'installation, le dragon, le point zen, le bateau, le rendez- vous des artistes... Des "coins" ont émergé de la structure : une zone pour stocker les déchets plastiques, hélas trop nombreux, le coin Love, où un petit coeur en cailloux blancs reste intact grâce sans doute à un ou une inconnu(e) qui vient tous les matins, le smile, le coin zen, la crèche, le zoo, la proue, le château arrière... Beaucoup de bois disparaissent, d'autres apparaissent, c'est la magie de cette structure en constante évolution. Et, bonus, cette activité quotidienne nous a maintenus en forme, nous a bien occupés, nous a permis de prendre conscience qu'il faut arrêter cette surconsommation de plastiques et en parler autour de nous pour que les comportements changent.

Nous sommes des oiseaux du large, nous ne faisons que passer ici, nous sommes bien conscients que cette structure est éphémère. Nous espérons continuer à la faire vivre, si la météo le permet, jusqu'à la fin de cette année 2020 si particulière... Ensuite, on préparera notre départ en bateau prévu au printemps prochain... Tant mieux si cette structure a touché les promeneurs, nous pensons n'avoir pas dégradé le paysage , tout ce qui la compose a été ramassé sur la plage. Les bois flottés constituent pour nous une source d'inspiration inépuisable... Leur variété est incroyable : la taille, les formes, les différentes essences, nous permettent de développer l'imagination, la créativité, le sens de l'assemblage, la connexion avec la Nature."