L’origine du nom « Fort du Pradeau »
Henri IV avait pour projet de bâtir une ville sur la Presqu'île de Giens pour reloger les habitants du centre d’Hyères dont la guerre avait détruit leur cité. Les prémices de cet ouvrage ont été abandonnées après l’assassinat du roi. En 1634, la construction du Fort a commencé sous ordre de Richelieu.
La redoute du Pradeau, de son vrai nom, est une construction fortifiée destinée à protéger et conserver son territoire face aux ennemis qui souhaitent s’en emparer. Elle est organisée pour pouvoir résister à un siège éventuel. Son nom vient du port du Pradeau qu'elle domine. « Pradeau » signifie petite prairie, le site étant anciennement occupé par des prairies agricoles. Renommée "redoute" pour ses attributions, elle est également appelée « Tour Fondue », nom qui provient de la déformation de « tour démolie », une allusion à la ruine d’une ancienne tour médiévale implantée sur le site.
L’entrée du fort
L’entrée d’un fort est le premier obstacle que rencontre l’adversaire. Pour empêcher toute intrusion ennemie, un pont-levis précédait le portail. Suspendu au-dessus d’une fosse, ce dernier était un système défensif efficace. Lorsqu'il était relevé, la fosse, prise sous le feu des défenseurs de la redoute du Pradeau, était presque infranchissable. Les canons étaient tournés vers la mer pour assurer la riposte en cas d'attaque sur le plan d'eau. Les troupes devaient également se prémunir contre une attaque venant de la terre. Jusqu’à la fin du 18ᵉ siècle, la sécurité de l’entrée était simplement assurée par les gardes postés aux multiples angles de l’enceinte dont le tracé forme une structure polygonale. En 1813, afin d’empêcher le tir d’enfilade contre la porte, on construisit une avancée de deux branches de part et d'autre de l'entrée, des murs percés de petites ouvertures appelées « créneaux de fusillade » permettant la défense rapprochée au fusil. La largeur de l’embouchure des branches permettait la circulation sur roues des canons armant la redoute.
Le logement
Datation des différentes parties du fort
Entrée du fort (1813) :
1. Fort tenaillé
2. Emplacement de l'ancien pont levis
3. Poudrière (1813, état d'origine)
Casernement (1813), comprenant :
4. Logement troupe
5. Réserve
Corps de garde (avant 1747) comprenant :
6. Logement gardien
7. Logement officier
8. Emplacement des anciennes latrines (Xlème siècle)
9. Emplacement de l'ancienne cuisine (démolie en 1990)
10. Parapets (implantation d'avant 1747, modifiés en 1813)
11. Ancienne aire de manœuvre, belvédère en béton armé
12. Sous-sol excavé (inachevé lors des travaux de 1990-1995)
13. Vestiges de canalisations en terre cuite ayant servi à recueillir l'eau de toiture dans une citerne
En temps de guerre, la redoute du Pradeau devait héberger les canonniers et hommes de troupe. Le peu d'espace disponible dans la redoute a longtemps limité ses capacités de logement. Jusqu’en 1757 ce bâtiment constituait le seul hébergement permanent de la fortification. On y trouvait, de droite à gauche, un casernement, un petit magasin à poudre et un logement pour les canonniers dans l’extrémité en retour. Vers 1757, l’édifice est doublé par un bâtiment qui lui est accolé du côté de la mer. Mais empiétant sur la plate-forme d’artillerie, il compromet l’emploi des canons. En 1813, ce bâtiment est supprimé et remplacé par la caserne construite près de l’entrée du site. Le bâtiment de logement initial se retrouve face à la mer. De droite à gauche il abritait alors le corps de garde, le logement d’officier et celui du gardien de batterie. Les modifications apportées à l’entrée ont permis la construction du bâtiment destiné au logement de 30 hommes. Les soldats y dormaient tout habillés, allongés côte à côte, sur un lit de camp en bois qui s’étirait tout au long de la face interne de la caserne.
Depuis sa construction, le Fort a subi de nombreuses modifications, notamment au niveau des ouvertures et de la hauteur de la toiture. Pour sa restauration, le toit a été rétabli à son niveau d’origine.
La citerne
L’eau est une ressource indispensable à la vie humaine et au bon fonctionnement d’un ouvrage fortifié. Jusqu’en 1780, l’eau utilisée dans la redoute du Pradeau était puisée à une source voisine, sujette à la pollution par l’eau de mer.
La citerne qui subsiste actuellement a été aménagée vers 1780 pour éliminer ce risque. Elle permettait de satisfaire les besoins d’une troupe de 12 hommes. L'eau de pluie était recueillie par les toitures et conduite vers la citerne par des canalisations en terre cuite, les impuretés étaient retenues et l’eau était filtrée à travers du sable. Aujourd’hui la citerne est fonctionne à nouveau avec un système de filtration contemporain permettant de réutiliser les eaux pluviales dans les sanitaires et pour l’entretien du site.
Parapet et Aire de manœuvre
La vue panoramique qui s'offre à notre regard montre bien l’intérêt stratégique du lieu. Il permettait de contrôler la passe de l’ouest entre la presqu’île de Giens, l’île du Grand Ribaud et Porquerolles. C’est depuis cette plateforme que les canons et les mortiers devaient tenir le plan d’eau. La forme du parapet a été modifiée plusieurs fois entre 1750 et 1850 afin d’améliorer les conditions d’emploi de l’artillerie. Le tracé actuel date essentiellement de 1847. Entre le parapet et le corps de garde, la plateforme supportait les canons, qui tiraient « à barbette », autrement dit par-dessus le parapet. Au 18ᵉ siècle, la redoute était armée de canons de 18 à 36 livres correspondant à des boulets pesant 9 à 18 kg, lancés avec une portée efficace de l’ordre de 1 000 mètres. Après 1850, les 2 canons restants de 30 livres lançaient des projectiles de 15 kg à 2 400 mètres.
La poudrière
Entre 1640 et 1880, période d'activité de la redoute, les canons utilisaient de la poudre noire pour projeter les boulets. La poudre était conservée en barils, stockées dans un lieu isolé par mesure de sécurité. Jusqu’au début du 19ᵉ siècle, le magasin à poudre s’est trouvé successivement dans deux petits locaux accolés à la caserne. Une douzaine de barils y étaient entreposés dans des conditions de sécurité passables. Avec les modifications de 1813 s'ajoute la construction du nouveau magasin à poudre qui correspond à la poudrière actuelle. Sa toiture est voûtée et ses murs ont une forte épaisseur afin de résister aux explosions. À l’origine, sa porte d’entrée était située au sud, à proximité de la plateforme d’artillerie. Une simple fenêtre percée au nord permettait l’aération périodique du local, où l’on pouvait entreposer jusqu'à 3 tonnes de poudre. Cette fenêtre a été transformée en porte à la fin du 19ᵉ siècle. L’édifice s’étant fortement érodé, il a été entièrement restauré.